Le harcèlement moral et ses alternatives

Ouest France • 15/01/2016 – Des salariés gagnants après 10 ans de combat. Ultime épisode d’une saga judiciaire sur fond de harcèlement moral pour sept anciens employés de l’hyper U de Chantonnay. Ils viennent d’obtenir gain de cause et devront être indemnisés.

L’histoire

“Ils ont tenu le cap pendant 10 ans de combat judiciaire !” Satisfaction de Maître Isabelle Blanchard, avocate des septs anciens salariés de l’Hyper U de Chantonnay.

Ce 13 janvier 2016, la chambre sociale de la cour d’appel de Poitiers a condamné la société Soredis Hyper U Chantonnay à leur verser, au total, 159 000€ de dommages et intérêts. Les sommes oscillent entre 3 000€ et 40 000€, en fonction du préjudice de chacun. Les anciens employés n’y croyaient plus. “Cette décision exceptionnelle démontre que la pugnacité finit par payer.”

Car la saga judiciaire ne date pas d’hier. L’ambiance fut hypertendue à l’Hyper U durant deux années. Conflits, mouvement de grève s’enchaînent, pour contester la politique sociale du nouveau directeur, Maurice Karsenty, en poste de 2006 à 2008.

Vingt-deux salariés déposent plainte pour harcèlement moral. Ils se disent notamment victimes de “propos humiliants et dégradants” de la part de leur directeur. Lequel se défend, à l’épqoue, en affirmant être la proie de l’“acharnement” de Système U, de la mairie de Chantonnay et de la presse. Bientôt, 70 démissions sont effectives dans l’hypermarché du bocage.

Le directeur est jugé en 2009 par le tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon, qui reconnaît les faits de harcèlement moral. Il est condamné à huit mois de prison avec sursis, et au versement de 117 000€ de dommages et intérêts, au bénéfice de treize salariés qui se sont portés partie civile. L’homme est relaxé en 2010. La Chambre correctionnelle de Poitiers dit qu’il n’y a pas de harcèlement. Première douche froide pour les salariés. D’autres suivront.

Ils saisissent alors les prud’hommes en 2011, qui les déboutent en 2014. Nouvel appel, et nouvelle désillusion en 2015 avec l’arrêt de la chambre sociale de Poitiers : si la cour d’appel a prononcé une relaxe pour le harcèlement moral, elle ne peut pas condamner pour des dommages et intérêts au prud’hommes.

Trois autres fondements gagnants

Mais Maître Blanchard ne lâche rien, persuadée qu’il est possible d’entrer en voie de condamnation sur trois autres fondements. L’avocate fait une demande au titre du manquement à la prévention des risques psycho-sociaux, de l’exécution déloyale du contrat de travail. “J’ai dit à la cour d’appel que les démissions devaient s’analyser en un licenciement abusif.” Et tout cela a fonctionné.

La dernière décision de justice “est une vraie surprise, exprime un ancien salarié, et un vrai soulagement que tout cela s’arrête”. Lui est entrée en 1999 à l’hyper U. Il a démissionné en 2006, mais avec ses collègues, il se dit “qu’il fallait au bout, malgré les lenteurs des procédures et les mauvaises nouvelles à répétition.” Six vont d’ailleurs lâcher l’affaire en cour de route. “Pour les sept autres, ça a été très usant au niveau du moral et de la santé. Une collègue a fait un malaise juste avant que la dernière décision ne soit rendue. Ça en dit long.”

Patrick GUYOMARD, Ouest France.

 

Des salariés gagnants après 10 ans de combat